

Responsabilité civile
Responsabilité civile
Découvrez comment la responsabilité du fait des choses est née, des origines à l'arrêt Jand'heur, à travers deux décisions clés de la Cour de cassation.
Comment est née la responsabilité du fait des choses ?
Pendant longtemps, le droit civil reposait sur une idée simple : pas de responsabilité sans faute. Mais cette logique a été remise en cause à la fin du XIXe siècle, avec l’émergence de nouvelles formes de risques liés à l’industrialisation. C’est dans ce contexte qu’est née la responsabilité du fait des choses, un des piliers du droit civil contemporain.
1804 - Le Code civil : la faute comme condition de responsabilité
Lorsque le Code civil est adopté en 1804, la faute est la condition centrale de la responsabilité civile.
L'article 1382 (devenu 1240) dispose que "tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer".
Quelques cas isolés de responsabilité sans faute existaient, notamment pour :
Les animaux (ancien article 1385, devenu 1243),
Les bâtiments en ruine (ancien article 1386, devenu 1244).
Mais il n’y avait pas de régime général de responsabilité du fait des choses.
1896 - L’arrêt Teffaine : un premier pas vers la responsabilité sans faute
🔍 Les faits
Le 4 juin 1891, dans le port de Nantes, la chaudière d’un bateau à vapeur explose. Le mécanicien, M. Teffaine, meurt dans l’accident.
🙋 L’action en justice
Sa veuve souhaite obtenir la réparation de son préjudice. Elle cherche donc à engager la responsabilité des propriétaires du bateau, estimant que la machine qui a causé la mort de son mari était défectueuse.
🏛️ Décision de la Cour d’appel
La cour d’appel admet la responsabilité des propriétaires du bateau. Elle estime que, par analogie avec la responsabilité des bâtiments en ruine, on peut considérer que le propriétaire d’une machine peut être tenu responsable des dommages causés par un vice de construction de cette machine.
🫸 Moyen au pourvoi
Les propriétaires du bateau contestent cette décision. Ils soutiennent qu’ils n’ont commis aucune faute, et qu’en l’absence de texte spécifique, ils ne peuvent pas être tenus pour responsables.
👩⚖️ Décision de la Cour de cassation (Cass. civ., 16 juin 1896)
La Cour de cassation rejette le pourvoi. Elle confirme la décision de la cour d’appel, en s’appuyant sur l’article 1384, alinéa 1er (devenu 1242, alinéa 1er).
Elle reconnaît ainsi une responsabilité de plein droit, sans faute, du gardien de la chose.
C’est une première : la Cour admet que l’on peut être responsable du dommage causé par une chose, même sans avoir commis de faute.
1930 - L’arrêt Jand’heur : l’affirmation du principe général
🔍 Les faits
En 1929, une jeune fille, Lise Jand'heur, est renversée par un camion appartenant à la société Les Galeries Belfortaises.
🙋 L’action en justice
Ses représentants saisissent la justice pour obtenir la réparation du dommage corporel subi.
Ils invoquent la responsabilité du fait des choses, puisque l’accident a été causé par un véhicule que la société avait sous sa garde.
🏛️ Décision de la Cour d’appel de Besançon
La cour d’appel rejette la demande de la victime.
Elle estime que la responsabilité suppose toujours une faute, et que la simple implication du camion dans l’accident ne suffit pas.
Autrement dit, la victime doit prouver que le conducteur a commis une faute pour obtenir réparation.
🫸 Premier pourvoi et renvoi à la cour d’appel de Lyon
La famille de la victime forme un pourvoi en cassation, contestant cette vision restrictive de l’article 1384, alinéa 1er.
La Cour de cassation casse l’arrêt de la cour d’appel de Besançon.
L’affaire est alors renvoyée devant la cour d’appel de Lyon.
Mais… la cour d’appel de Lyon adopte la même position que celle de Besançon ! Elle refuse à son tour d’appliquer une responsabilité sans faute.
🫸 Second pourvoi – saisine des chambres réunies
Face à cette résistance des juges du fond, la famille de Lise Jand’heur forme un second pourvoi en cassation.
Cette fois, l’affaire est portée devant les chambres réunies de la Cour de cassation — l’équivalent de l’actuelle Assemblée plénière, mobilisée pour les affaires les plus importantes.
👩⚖️ Décision de la Cour de cassation (Chambres réunies, 13 février 1930)
La Cour de cassation casse à nouveau l’arrêt d’appel et rend une décision fondamentale.
Elle affirme que l’article 1384, alinéa 1er institue un principe général de responsabilité du fait des choses, fondé sur une présomption de responsabilité du gardien.
Ainsi, il n’est plus nécessaire de prouver une faute. Le seul fait que la chose ait causé un dommage suffit à engager la responsabilité de son gardien.
Celui-ci ne peut s’exonérer qu’en prouvant une cause étrangère (force majeure, fait d’un tiers ou faute de la victime).
Et aujourd’hui ?
L’arrêt Jand'heur a véritablement consacré la responsabilité de plein droit du fait des choses.
Aujourd’hui, l’article 1242, alinéa 1er du Code civil continue de servir de fondement à cette responsabilité.
Elle s’applique dans de nombreux domaines : accidents domestiques, accidents de la route, produits dangereux, etc.
En résumé
En 1804, seule la faute engage la responsabilité.
En 1896, l’arrêt Teffaine ouvre la voie à une responsabilité sans faute du fait des choses.
En 1930, l’arrêt Jand’heur consacre un principe général : toute personne gardienne d’une chose est présumée responsable des dommages qu’elle cause.
Comment est née la responsabilité du fait des choses ?
Pendant longtemps, le droit civil reposait sur une idée simple : pas de responsabilité sans faute. Mais cette logique a été remise en cause à la fin du XIXe siècle, avec l’émergence de nouvelles formes de risques liés à l’industrialisation. C’est dans ce contexte qu’est née la responsabilité du fait des choses, un des piliers du droit civil contemporain.
1804 - Le Code civil : la faute comme condition de responsabilité
Lorsque le Code civil est adopté en 1804, la faute est la condition centrale de la responsabilité civile.
L'article 1382 (devenu 1240) dispose que "tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer".
Quelques cas isolés de responsabilité sans faute existaient, notamment pour :
Les animaux (ancien article 1385, devenu 1243),
Les bâtiments en ruine (ancien article 1386, devenu 1244).
Mais il n’y avait pas de régime général de responsabilité du fait des choses.
1896 - L’arrêt Teffaine : un premier pas vers la responsabilité sans faute
🔍 Les faits
Le 4 juin 1891, dans le port de Nantes, la chaudière d’un bateau à vapeur explose. Le mécanicien, M. Teffaine, meurt dans l’accident.
🙋 L’action en justice
Sa veuve souhaite obtenir la réparation de son préjudice. Elle cherche donc à engager la responsabilité des propriétaires du bateau, estimant que la machine qui a causé la mort de son mari était défectueuse.
🏛️ Décision de la Cour d’appel
La cour d’appel admet la responsabilité des propriétaires du bateau. Elle estime que, par analogie avec la responsabilité des bâtiments en ruine, on peut considérer que le propriétaire d’une machine peut être tenu responsable des dommages causés par un vice de construction de cette machine.
🫸 Moyen au pourvoi
Les propriétaires du bateau contestent cette décision. Ils soutiennent qu’ils n’ont commis aucune faute, et qu’en l’absence de texte spécifique, ils ne peuvent pas être tenus pour responsables.
👩⚖️ Décision de la Cour de cassation (Cass. civ., 16 juin 1896)
La Cour de cassation rejette le pourvoi. Elle confirme la décision de la cour d’appel, en s’appuyant sur l’article 1384, alinéa 1er (devenu 1242, alinéa 1er).
Elle reconnaît ainsi une responsabilité de plein droit, sans faute, du gardien de la chose.
C’est une première : la Cour admet que l’on peut être responsable du dommage causé par une chose, même sans avoir commis de faute.
1930 - L’arrêt Jand’heur : l’affirmation du principe général
🔍 Les faits
En 1929, une jeune fille, Lise Jand'heur, est renversée par un camion appartenant à la société Les Galeries Belfortaises.
🙋 L’action en justice
Ses représentants saisissent la justice pour obtenir la réparation du dommage corporel subi.
Ils invoquent la responsabilité du fait des choses, puisque l’accident a été causé par un véhicule que la société avait sous sa garde.
🏛️ Décision de la Cour d’appel de Besançon
La cour d’appel rejette la demande de la victime.
Elle estime que la responsabilité suppose toujours une faute, et que la simple implication du camion dans l’accident ne suffit pas.
Autrement dit, la victime doit prouver que le conducteur a commis une faute pour obtenir réparation.
🫸 Premier pourvoi et renvoi à la cour d’appel de Lyon
La famille de la victime forme un pourvoi en cassation, contestant cette vision restrictive de l’article 1384, alinéa 1er.
La Cour de cassation casse l’arrêt de la cour d’appel de Besançon.
L’affaire est alors renvoyée devant la cour d’appel de Lyon.
Mais… la cour d’appel de Lyon adopte la même position que celle de Besançon ! Elle refuse à son tour d’appliquer une responsabilité sans faute.
🫸 Second pourvoi – saisine des chambres réunies
Face à cette résistance des juges du fond, la famille de Lise Jand’heur forme un second pourvoi en cassation.
Cette fois, l’affaire est portée devant les chambres réunies de la Cour de cassation — l’équivalent de l’actuelle Assemblée plénière, mobilisée pour les affaires les plus importantes.
👩⚖️ Décision de la Cour de cassation (Chambres réunies, 13 février 1930)
La Cour de cassation casse à nouveau l’arrêt d’appel et rend une décision fondamentale.
Elle affirme que l’article 1384, alinéa 1er institue un principe général de responsabilité du fait des choses, fondé sur une présomption de responsabilité du gardien.
Ainsi, il n’est plus nécessaire de prouver une faute. Le seul fait que la chose ait causé un dommage suffit à engager la responsabilité de son gardien.
Celui-ci ne peut s’exonérer qu’en prouvant une cause étrangère (force majeure, fait d’un tiers ou faute de la victime).
Et aujourd’hui ?
L’arrêt Jand'heur a véritablement consacré la responsabilité de plein droit du fait des choses.
Aujourd’hui, l’article 1242, alinéa 1er du Code civil continue de servir de fondement à cette responsabilité.
Elle s’applique dans de nombreux domaines : accidents domestiques, accidents de la route, produits dangereux, etc.
En résumé
En 1804, seule la faute engage la responsabilité.
En 1896, l’arrêt Teffaine ouvre la voie à une responsabilité sans faute du fait des choses.
En 1930, l’arrêt Jand’heur consacre un principe général : toute personne gardienne d’une chose est présumée responsable des dommages qu’elle cause.
📕 Sources
1896 - Arrêt Teffaine 1930 - Arrêt Jand’heur
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